Une centaine de planches de BD du Musée des Beaux-Arts de Liège ont été classées « Trésor » de la Fédération Wallonie-Bruxelles : une première dans l’histoire de la bande dessinée belge. Il s’agit d’un ensemble de 104 planches originales, conservé par le Musée des Beaux-Arts de Liège.
Hergé, E. P. Jacobs, Franquin, Morris, Peyo, J. Martin, Tillieux, Comès, Macherot, Will, Sirius, Hermann, Hausman, Lambil, F. Craenhals, J. Laudy, Maréchal, Greg, Devos, Giffey… Tous ces auteurs majeurs de l’âge d’or de la bande dessinée belge figurent dans une collection unique en son genre, conservée à Liège depuis la fin des années 1970. Il s’agit d’un fonds de planches originales de bandes dessinées, constitué entre 1977 et 1979 par l’asbl liégeoise « Signes et Lettres ». Sous l’impulsion de Jean-Maurice Dehousse, alors ministre de la Culture de la Communauté française, des acquisitions sont réalisées auprès des meilleurs auteurs de BD : ceux qui ont publié depuis la fin de la seconde guerre mondiale dans deux hebdomadaires pour la jeunesse, « Tintin » et le « Journal de Spirou », qui rivalisaient d’ardeur pour conquérir de jeunes lecteurs.
Gaston Lagaffe, Tintin, et Blake et Mortimer
Le premier auteur abordé est André Franquin, qui cède à l’association liégeoise une planche détonante de Gaston Lagaffe, tirée de l’album « Un gaffeur sachant gaffer », paru chez Dupuis en 1968. Auprès d’Hergé sont acquises deux planches exceptionnelles des aventures de Tintin, extraites de l’album historique « On a marché sur la lune », publié par Casterman en 1954… soit quinze ans avant les premiers pas de Neil Armstrong sur l’astre lunaire.
Edgar Pierre Jacobs, lui, livre d’abord une planche inestimable de l’album « La Marque jaune », prépubliée en 1953-54 dans « Tintin » : celle où, pour la toute première fois, sous les yeux ébahis de Blake et Mortimer, le maléfique Olrik appose sur un mur le M de la fameuse Marque jaune, avant de s’échapper en sautant audacieusement par une fenêtre. Jacobs n’en reste pas là, puisqu’il cède également une seconde planche au graphisme épuré, tirée du deuxième volume de l’album « Le Mystère de la grande pyramide », paru dans « Tintin » entre 1950 et 1952.
Des planches de « Tortillas pour les Dalton » (Lucky Luke), du « Chinois à deux roues » (Gil Jourdan), du « Sortilège de Maltrochu » (Johan et Pirlouit), du « Tombeau étrusque » (Alix), de Bernard Prince, Comanche, Jugurtha (par Hermann), de Tif et Tondu (Will), de Michel Vaillant (Jean Graton), de « Silence » (par Didier Comès), de Chlorophylle et de Sibylline (par Macherot) ou des historiques René Giffey et Jacques Laudy figurent également dans la collection.
Expositions et références
Cette collection a déjà été montrée à Liège à quelques reprises, en 1996, en 2011, ainsi qu’au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris, en 2015. Une sélection de ces planches a également été proposée à La Boverie en 2019, dans le cadre de l’exposition « Liège. Chefs d’œuvre ». Plusieurs d’entre elles sont régulièrement présentées dans la Galerie noire du musée. Un ouvrage de référence sur la collection, « L’Age d’or de la bande dessinée belge », sous la direction de Thierry Bellefroid, a été publié en 2015 par Les Impressions Nouvelles.
Et depuis cette date, d’autres auteurs sont venus enrichir le fonds : une planche de « Jerry Spring » par Jijé, ainsi que des planches de Jean-Claude Servais, du duo Warnauts et Raives, et de Johan De Moor, quatre auteurs contemporains qui ont en commun d’avoir publié, comme Didier Comès, dans le magazine « (A Suivre) » édité par Casterman. Ces dernières acquisitions ont également été présentées lors de l’exposition « 1975-1997, révolution bande dessinée : Métal Hurlant et (A Suivre) » qui s’est tenue à La Boverie au printemps 2017.
Le classement de ce patrimoine exceptionnel par la Fédération Wallonie-Bruxelles et la ministre de la Culture constitue une étape importante dans l’histoire de la BD en Belgique. Il s’agit d’une reconnaissance officielle pour l’ensemble des dessinateurs et des scénaristes, qu’ils soient d’hier ou d’aujourd’hui. Précurseur en la matière, Liège avait déjà fait entrer la bande dessinée au Musée des Beaux-Arts. Cette reconnaissance supplémentaire par la Fédération Wallonie-Bruxelles participe pleinement à l’essence même de la bande dessinée : non pas un art mineur ou un simple divertissement destiné prioritairement aux enfants, mais bien une œuvre artistique à part entière, au même titre que d’autres domaines des arts plastiques.
Alain Delaunois
Attaché scientifique
La Boverie – Musée des Beaux-Arts
Edgar Pierre Jacobs, Les Aventures de Blake et Mortimer. « La Marque jaune », planche originale n° 26 (1953-1954). Copyright Editions Blake & Mortimer / Studio Jacobs (Dargaud-Lombard S.A.), 2020. Avec leur aimable autorisation. | Edgar Pierre Jacobs, Les Aventures de Blake et Mortimer. « Le Mystère de la Grande Pyramide », tome 2, planche originale n° 28 (1950-1952). Copyright Editions Blake & Mortimer / Studio Jacobs (Dargaud-Lombard S.A.), 2020. Avec leur aimable autorisation. |